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Eloge du temps long 


Philippe Lançon, auteur du livre Le Lambeau, victime de l’attentat de Charlie Hebdo, n’aime pas les médias sociaux. Au risque de lui déplaire, je partagerai ce blog post sur facebook, linkedIn ou twitter, car on écrit pour être lu, c’est un fait. Et sans un allié comme Gallimard, il faut faire un certain tapage promotionnel pour alerter les lecteurs. C’est ce tapage que Philippe Lançon, en visite à New York avec des conférences à Albertine et NYU  notamment,  n’aime pas: alertes sonores des messages reçus sur telegram ou sur facebook qui nous détournent du moment présent, mais aussi et surtout cacophonie intérieure qui nous éloigne de nous-mêmes. Il suffit de lire Le Lambeau pour comprendre. Ayant passé des mois à l’hôpital pour y subir sept opérations sur ses maxillaires arrachées par une bombe, l’auteur a eu l’expérience de cet autre temps, ce temps long qui oblige à être face à soi-même. Il y a chez lui un retrait perceptible que l’on ressent l’espace d’une rencontre. On se dit qu’il a, présente à l’esprit, en filigrane, cette vie volée entre quatre murs blancs dont son livre nous livre un compte rendu au plus proche, nous permettant d’imaginer cette expérience hospitalière dont nous, les bien portants, sommes exclus. 

Retrouver le silence intérieur, éteindre le portable, l’ordinateur, l’Ipad, faire une pause pour taire le vacarme… l’écrivain Ian McEwan, écouté dans Boomerang (France Inter), ne dit pas autre chose “ Il faut se réapproprier la solitude”. “Il faut savoir retrouver un espace mental qui est le nôtre uniquement” . Il évoque un “état de stupeur volontaire” qui pourrait sauver l’humanité, et conseille une retraite d’une heure par jour face à soi-même. Pas facile dans ce monde où s’entrechoquent les cris de colère de l’Impeachment ou des incendies en Australie, les cris d’effroi devant les  génocides (malheureusement en sourdine), les cris de panique qui montent en puissance face au virus. Plus près de chez moi, il y a le bruissement de la campagne pour les élections consulaires du 16 mai prochain dans laquelle je me lance avec passion, mais qui oblige, c’est évident, à monter le volume sonore des messageries instantanées et des retours d’opinion. On ne s’entend plus!

Merci à Philippe Lançon pour cette remise en perspective de l’espace temps; merci à Ian Mc Ewan pour ce conseil judicieux. Et si les écrivains, grâce à ce temps long de la lecture qu’ils nous offrent, étaient seuls capables de sauver le monde? 

 

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